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Deux bons articles de Frédéric Martel dans Marianne expliquent que les heures de la plupart des livres papiers sont comptés, ou du moins que leur part va se réduire rapidement et significativement au profit du livre électronique: Faut-il avoir peur du livre numérique (1) ? Faut-il avoir peur du livre numérique (2) ?

Tout cela semble évident, le doute portant simplement sur l’échéance qui de toute façon sera courte, mais écrit par un brillant connaisseur des industries culturelles cela aide la prophétie à se réaliser.

Il y a déjà deux ans, Françis Pisani, journaliste fin connaisseur des nouvelles technologies, publiait un billet « Mon Kindle 2 » (la liseuse d’Amazon) dont la conclusion est d’une grande clarté:

Dans dix ans (et même avant sans doute) la plupart d’entre vous qui lisez ces lignes en auront adopté un et ne pourrez plus vous en passer.

La question intéressante est désormais de comprendre les conséquences de ce changement. Notamment sur l’industrie du livre, avec des rapprochements très clairs à faire avec l’industrie du disque.  Frédéric Martel aborde le sujet, mais on aimerait aller plus loin. Voici quelques pistes:

  • La désintermédiation,  provoquée par le passage au numérique, va conduire à des relations différentes entre les auteurs et les lecteurs. Les dédicaces laissant place aux communautés en ligne.
  • Le rôle des intermédiaires va changer, laissant place à de nouveaux intermédiaires. Martel aborde ce point.
  • Les possibilités nouvelles offertes par le support vont permettre un nouveau style d’écriture. Il faudra probablement du temps pour que des écrivains se saisissent de ces possibilités au travers de nouveaux usages créatifs. Ce volet est évidemment le plus intéressant culturellement parlant.
  • De nouveaux objets vont apparaître. Les blogs ont bouleversés les médias[*], chaque individu pouvant devenir un média désormais, puis le micro-blogging (twitter) et les médias participatifs (Agoravox, Rue89) sont arrivés créant tout un continuum de possibilité entre le media individuel et le site du journal traditionnel. L’objet livre avait un statut, c’était l’aboutissement d’un processus assez long. Le livre électronique, lui peut faire 6 pages et être créé par l’auteur lui-même. Avec le livre numérique, on peut se demander ce qu’est un livre ? Ce sont certainement les nouveaux intermédiaires qui nous aideront à savoir ce qu’est un livre
  • Enfin une question d’ordre sociologique je crois. Le changement dans les relations entre auteurs et lecteurs laissera évidemment tout leurs sens aux contacts en chair et en os. Dans le même esprit, la disparition des librairies ou bouquinistes qui a déjà lieu et que le passage au numérique ne va qu’aggraver, fait perdre le contact avec une certaine réalité, avec une ambiance qui va nécessairement manquer à tous les amoureux des livres, quelle que soit la qualité de l’expérience de navigation que peuvent proposer les librairies en ligne. Est-ce une perte sèche, où de nouvelles pratiques de socialisation vont-elles naître avec le livre numérique.

Message d’espoir pour conclure avec ce livre numérique gratuit: Balades en Yvelines offert par le Conseil général des Yvelines, qui contient des textes, photos, vidéos et qui est un incitation à se promener au milieu d’oeuvres d’art.

[*] Je parle des blogs, bien que cela soit passé de mode, car j’ai écris un livre papier sur le sujet 😉 Donc cela m’a un peu marqué: éditeur, impression, tirage,…. Je vous rassure il est disponible depuis longtemps en version numérique: http://books.google.com/books/about/Les_Blogs.html?hl=fr&id=thE2QVcLI7YC